Les codes promos en affiliation : parasites des e-commercants

Ce second article est une réaction face à un débat né sur Twitter entre affiliés, lancé par David puis appuyé par Rudy, Thomas et Loic ! Je viens donc y mettre mon grain de sel pour apporter le point de vue de l’e-commerçant par rapport à la problématique de l’annulation des ventes 🙂

 

Fonctionnement de l'affiliationPetit rappel avant de commencer : L’affiliation n’est pas vraiment un type de trafic en soit, il s’agit plus d’un business model particulier : la performance (ou CPA, pour Coût Par Action). Quel que soit le moyen des affiliés de rapporter du trafic sur le site de l’annonceur (emailing, liens sponsorisés, bannières publicitaires, liens, site under…), ils seront rémunérés par l’annonceur en fonction des ventes générées par le trafic drainé sur le site (via une commission, fixe ou variable en fonction du chiffre d’affaires généré). Ce partenariat repose donc sur la confiance entre deux partenaires, car l’annonceur connaît rarement la source réelle du trafic, mais surtout la validation des ventes générés, malgré un tracking adapté, se fait du côté annonceur, car il est seul à savoir ce qu’il se passe réellement niveau ventes. En effet, une vente peut être annulée par exemple par un client, et donc remettre en cause la commission promise à l’affilié.

Une fois que ce rappel est fait, je vous précise que je n’ai rien contre l’affiliation en général, c’est juste un gros coup de gueule contre certains affiliés et la majorité des agences d’affiliation qui parasitent les sites e-commerce français pour les détrousser chaque mois de quelques centaines d’euros de commission en profitant du comportement opportuniste des internautes et de Google. Je m’explique.

Les affiliés que je mets en cause sont d’un type spécifique : les sites de codes promos ! Et j’ajoute à mon accusation leurs « complices » que sont la grande majorité des agences d’affiliation, avec qui j’ai eu l’occasion de travailler. Mon postulat : les sites de codes promo parasitent les campagnes marketing des annonceurs en se positionnant sur Google sur les requêtes du type « {marque annonceur} code promo » (et assimilés).

Laissez-moi vous conter une histoire : Il était une fois…

Un internaute, une fois arrivé sur le panier de votre site e-commerce, prêt à acheter ses articles, voit une case nommé souvent « code promo », « bon de réduction » ou autre. Et là, il a le reflexe humain et économe de se dire « et si je cherchais un code promo pour économiser quelques euros ?« . En effet, cela ne prend que quelques secondes, et le premier réflexe est de taper le nom de la marque suivi d’un terme comme « code promo » dans Google dans une autre fenêtre. Là, des dizaines de résultats promettent des codes disponibles et actifs. L’internaute va donc choisir un premier site, et y trouve des promesses du type « Livraison offerte sur votre commande » ou « -5% dès 50€ d’achats« . Par contre, pas de code visible directement. Juste des gros boutons « obtenir le code promo », ou alors le début du code dévoilé, mais le reste caché par des étoiles.

Code promoIl ne comprend pas vraiment pourquoi mais ne se pose pas la question, clique sur le gros bouton et voit enfin son code promo. En même temps, le site de l’annonceur se lance… fenêtre que va très rapidement fermer l’internaute, en effet, il a déjà son panier ouvert dans une autre fenêtre, pas besoin de tout recommencer depuis la home page du site marchand.

Il va essayer le code qu’il vient de récupérer. S’il marche du premier coup, il continue sa commande. Si ce n’est pas le cas, il va en chercher un autre, sur le même site ou sur un autre proposé par Google. Soit il en trouve un fonctionnel, soit il n’en trouve pas, et continue son achat, un peu déçu de ne pas avoir trouvé de réduction, mais après tout il était prêt à acheter avant… Il finalise son achat, paye et attend de recevoir son produit.

Cookie AffiliationVoilà un cheminement classique d’un internaute selon moi. Qu’il ait ou pas trouvé un code promo fonctionnel, il ignore que quand il a cliqué pour obtenir un code et que le site du marchand s’est lancé dans une nouvelle fenêtre (fermée aussitôt), le site de code promo (affilié) a déposé un « cookie » sur le site annonceur pour indiquer qu’il a apporté du trafic à l’e-commerçant, et que donc toute vente générée après ce clic implique le versement d’une commission par l’annonceur en cas de vente. Qu’un code promo ait été effectivement entré par l’internaute n’importe guère.

Sangsue Parasite1er parasitisme : s’attribuer une vente quand on génère du trafic « forcé » vers un site e-commerce, qu’un code promo fonctionnel ait été entré ou pas.

 

Recherche Code promo sur GoogleIl faut savoir que, même s’il n’existe pas de partenariat entre un site de code promo et un e-commerçant, le site de code promo a tout intérêt à reprendre les codes promos de l’annonceur pour les diffuser sur son site, et lui générer du trafic gratuit. En effet, il va tenter ainsi de se positionner sur la requête « {marque annonceur} code promo » et assimilées sur Google, et obtenir du trafic. S’il n’y a pas de partenariat avec l’e-commerçant, le site de code promo va rentabiliser ce trafic par les encarts publicitaires présent sur la page de destination. Il a donc tout intérêt à générer du trafic vers sa page dédiée à l’annonceur, et pour cela, reprendre les codes promos valides qu’il glane sur d’autres sites de codes promo, ou qui sont remontés par des internautes, la communauté qu’il anime.

Par cette communauté, certains sites de codes promos arrivent à obtenir des bons de réduction « rares », diffusés par les sites e-commerce à certains clients/prospects spécifiquement ciblés dans un plan marketing précis. En diffusant ces codes promos publiquement, le site casse complètement la logique de ciblage marketing de l’annonceur, et l’analyse de la performance des résultats de cette campagne. L’annonceur qui s’en rend compte contacte le site de code promo (avec qui il n’a aucun partenariat) et lui demande de retirer expressément le code promo en question. La réponse ne viendra généralement pas de la part du site, qui ne prendra pas la peine de répondre à l’e-commerçant et ne modifiera rien sur son site. Ou alors il plaidera que le code a été donné par sa communauté, qu’il ne peut pas censurer, et que cela serait contre l’intérêt de ses internautes.

Sangsue Parasite2ème parasitisme : biaiser les campagnes marketing de l’annonceur en diffusant des codes promos non publics.

 

L’annonceur va creuser les moyens qu’il a d’empêcher les sites de code promo de reprendre des bons qu’il ne réserve qu’à un public particulier. La menace légale, même si elle peut permettre que certains sites peureux s’exécutent, n’aura aucun impact sur les plus gros sites de codes promos. Très rapidement, l’annonceur va se rendre compte que pour maîtriser la diffusion de ses codes, il va falloir passer au tiroir-caisse ! En effet, les sites en question génèrent actuellement du trafic gratuitement vers l’annonceur. Si ce dernier est prêt à rémunérer le site de codes promos en fonction des ventes générées, l’affMenace de la justiceilié est prêt à retirer tout code promo qui ne plairait pas à l’annonceur, et rapidement qui plus est ! Ça serait dommage de rompre un partenariat rémunérateur, et la censure de sa communauté ou l’intérêt des internautes n’est dans ce cas-là plus prioritaire.

Sangsue Parasite3ème parasitisme : un véritable chantage fait à l’annonceur, qui doit payer pour maîtriser le contenu diffusé.

 

La plupart des programmes d’affiliation sont gérés par des agences (que je ne citerai pas ici), car l’affiliation est un levier chronophage à administrer pour l’entreprise. Ces agences recevront à chaque commission versée à un affilié leur propre commission, qui correspond souvent à 30% de la commission originale. Elles ont donc tout intérêt à ce que le maximum de ventes soit généré par l’affiliation. Du coup, l’e-commerçant parle de sa situation à l’agence. Il va se rendre compte d’ailleurs que les codes promos sont en général la première source de ventes générées sur son programme. Quand il évoque son sentiment d’être « pris en otage » par les sites de codes réduc, l’agence lui répond fermement qu’il n’en est rien, que les sites de codes promos sont très efficaces et indispensables au chiffre d’affaires de l’e-commerçant.

Course au dernier clicEn effet, en vision « dernier clic » sur son Google Analytics, il se rend compte que la ligne affiliation génère énormément de ventes, entre 10 et 20% du nombre global de commandes… il ne peut pas prendre le risque de couper les sites de codes promo de peur de perdre un potentiel chiffre d’affaires. L’agence appuie cet argument, elle va même jusqu’à dire que très peu d’internautes tapent la marque accompagnée de « code promo » dans Google, et va encore plus loin en avançant que les sites de codes de réduction génèrent un trafic qui ne connaît pas votre site, que les internautes vont régulièrement sur ces sites web pour savoir où sont les meilleures réductions et donc trouver l’e-commerçant qui pourra les satisfaire. Il est enfin conseillé à l’annonceur de diffuser des codes promos spécifiques à chaque site de code promo pour bénéficier de mises en avant sur la home page et dans les newsletters. Le piège se referme sur l’annonceur, qui dans la plupart des cas ne prendra pas de risque et continuera son programme tel quel.

Accès aux entonnoirs multicanaux de Google Analytics

Et il y a une minorité d’annonceurs qui vont creuser les dires de l’agence et essayer d’en savoir plus sur la qualité du trafic généré par ces affiliés si particuliers. Il va ouvrir son compte Google Analytics et utiliser les entonnoirs multicanaux pour analyser l’attribution de ses ventes en fonction de l’apporteur du trafic, et aller plus loin que l’analyse « Last clic » que propose nativement Analytics. Via le menu « Conversions indirectes », via l' »Analyse de la première interaction », il va se rendre compte que les ventes générées par l’affiliation suite à une première interaction n’est que de 1% du total des commandes. Et s’il a pris le soin de mettre un utm_campaign différent par type d’affilié (code promo, cashback, site under, lien contextuel…), il se rendra compte que la campagne liée au trafic des codes promos apporte moins de 0,2% des ventes en « premier clic ». L’analyse est basique car elle ne prend en compte que le premier clic, mais elle est significative et permet ainsi de mettre fortement en doute les dires de l’agence, et de constater que le scénario décris un début d’article est sans doute le plus récurrent. Mais elle pose une autre question : si l’affiliation s’attribue les ventes en last clic, quels autres canaux sont dévalorisés par ce « vol opportuniste » de commande dans le schéma d’attribution ?

Sangsue Parasite4ème parasitisme : les sites de codes promo vont biaiser la performance marketing en s’attribuant la vente au détriment d’autres canaux véritables apporteurs d’affaires.

L'évolution du parasite

Alors après ces constats, que faire ?

Couper les partenariats avec les sites de codes promos ? Mais comme nous l’avons vu, cela leur permettra de « casser » les logiques marketing mises en place en diffusant des codes promos à ne pas rendre public. En tout cas, la fin d’un partenariat avec les sites de codes promo ne devrait pas influencer le volume final de ses ventes, comme nous l’avons vu.

J’avance une autre proposition : passer un deal avec l’agence (et par extension les affiliés) pour ne payer que les ventes « non opportunistes » et limiter la casse. Pour cela, on va prendre l’agence a son propre jeu : « Ah bon, les internautes ne tapent pas ma marque accompagnée de « code promo » dans Google, ou cela représente une part minoritaire ? ». L’annonceur va donc diffuser sur une page du type www.monsite.com/code-promo un code spécifique. Cette page sera quasi inaccessible aux visiteurs depuis le site de l’annonceur, elle sera juste linkée discrètement depuis dans la home page (dans le footer par exemple) pour lui permettre de se positionner rapidement. Cette page sera également optimisée dans son Title et son contenu pour être référencée sur tous les principaux synonymes de « code promo ». Quelques jours plus tard, la puissance du nom de domaine aidant la pertinence, il y a de fortes chances que cette page soit en première position sur la requête tant incriminée et si souvent tapée par les internautes.

Faîtes maintenant en sorte de proposer une réduction plus importante que les codes autorisés sur les sites de codes réduc. Même de un ou deux euros supplémentaires, cela suffit. Etape importante : interdisez à vos affiliés de reprendre ce code promo, sous peine de ne plus les rémunérer du tout. Ils s’exécuteront (il faudra parfois faire la police via une veille régulière des principaux sites).

Arroseur arroséLe deal est le suivant : Si comme l’agence le suppute les internautes ne passent pas par cette requête au moment du panier pour trouver un code, alors vous ne validerez pas les ventes des affiliés qui auront utilisé ce code « interdit » dans leur commande. Car si l’internaute a mis ce code, qui n’est accessible que via le SEO, c’est qu’il a été tapé en mode « opportuniste ». Et croyez-moi, même si l’internaute découvre des codes fonctionnels chez les sites de code promo, mais qu’il a la possibilité d’économiser un ou deux euros supplémentaires par votre code bien positionné sur la requête, il ne se fera pas prier. Aucune raison que l’agence ne soit pas d’accord si elle veut être cohérente avec son argumentaire.

En appliquant cette simple règle, l’annonceur se rendra compte qu’il a annulé plus de 50% des ventes issues de l’affiliation… Il va sacrément économiser ! Les affiliés ne seront pas contents, mais comme c’est toujours mieux d’être payé moins que de ne pas être payé du tout, ils ne rompront pas leur partenariat.

C’est une mise en place que je vous propose, que j’ai personnellement testée à plusieurs reprises, avec différentes agences… et qui a pour mérite de bien mettre en évidence le côté parasitaire de ces sites ! Alors bien sûr tous les sites de codes promos ne sont pas dans ce cas, certains jouissent d’une grande communauté et je pense qu’ils peuvent générer du trafic de qualité. Mais de mon constat, la grande majorité des sites de codes réduc ne sont là que pour grappiller des commissions via opportunisme.

Je n’ai pas parlé des sites de cashback dans cet article, car la logique est un peu différente, même si je sous-tends également que beaucoup sont dans une approche similaire. Les sites de codes promos et de cashback représentent souvent plus de 80% des ventes générées par l’affiliation, boostés par les agences qui prennent leur part du gâteau.

Partenariat Gagnant GagnantOr pour moi, l’affiliation, la vraie, ce sont les nombreux sites (mais en minorité dans le secteur de l’affiliation) qui mettent en avant votre marque dans leurs sites éditoriaux via un contenu de qualité, qui diffusent vos bannières ou qui envoient votre kit emailing à des bases précises. Ça c’est de l’affiliation de qualité, hélas cannibalisée par des acteurs qui ont, il faut bien le reconnaître, trouvé un créneau hyper rémunérateur !

Et vous, que pensez-vous des sites de codes promos ? Que vous soyez affilié, e-commerçant ou employé d’agence d’affiliation, votre avis sur ce débat est le bienvenu dans les commentaires !

Florian Marlin

Directeur Marketing/E-commerce, Spécialiste SEA, SEOphile, Enseignant Web Marketing, Auteur du Guide des Liens Sponsorisés (éditions Eyrolles). Suivez-moi aussi sur Google+.